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Warax

Preston est un jeune loup avide de gloire et de sensations qui baise, conduit des bolides, sniffe et court les lieux branchés. Les affaires vont mal. En quête d’un second souffle, tout lui échappe. « La meute » est une bande de « métèques » déterminés à passer la frontière pour une vie meilleure. D’immigration périlleuse en boulots dangereux, ils n’ont aucun répit, se mesurent aux flics sanguinaires comme aux loufiats les plus cruels. Un soldat d’élite nous livre à chaud les difficultés qu’il rencontre à sécuriser un périmètre tenu par ses ennemis mais bombardé par ses alliés, pris en tenaille entre deux feux, secondé par des hommes dont la raison chancelle. FD 21, de son côté, bataille pour échapper aux inflexibles escouades chargées d’exterminer les rares survivants d’une mystérieuse apocalypse. Dépouillé même de son identité, il a en commun avec les autres personnages un instinct de survie hors norme. Tous en effet se battent avec une force animale contre l’inexorable accomplissement de leur destin. Sur un rythme étourdissant, les actions s’enchaînent, épuisent les protagonistes ravalés au rang de bêtes : cette lutte incessante interdit toute réflexion, la conduite à tenir est commandée par les réflexes et l’endurance.

Avec une absence totale de caractérisation et de discours, Pavel Hak offre à travers ses héros le spectacle d’une humanité terrifiante. Non pas désincarnée – car ils sont animés par des désirs et des passions – mais abêtie : pas de réflexion ni de projection. Chacun de ces récits parallèles met en scène des hommes humiliés, aculés aux plus bestiales réactions et aimantés à une tragique trajectoire. Warax, roman d’anticipation, s’appuie sur la plus sinistre réalité contemporaine. Des hommes sans nuance, bourrés de fric et de travers, avec des noms de série B, se partagent le pouvoir en haut de gratte-ciel high-tech pendant que des Ramos et des Diégo risquent clandestinement leur peau pour nettoyer leurs chiottes. La relance économique se fait par l’industrie de l’armement. Le capitalisme se résume à la loi du plus fort.

La dernière (science-) fiction de Pavel Hak n’est pas éloignée de notre siècle. Elle en montre d’ailleurs le coup de génie : rendre l’air homicide. Après l’eau, le feu et la terre, les hommes ont fait de l’air un vecteur de morts massives avec quelques souches pathogènes, une pincée de spores dans une mégapole. Ce fameux « anthrax » (dont la composition entre très certainement dans le titre) dangereusement agité après les tours de 2001 pour légitimer l’invasion irakienne (même si la relance économique, cette fois, n’est pas passée par l’industrie de l’armement…) contamine les récits alternés de l’œuvre.

Il ne faut pas attendre de l’architecture du texte le déploiement puis sa résolution d’une intrigue classique. Les récits, par exemple, ne coïncident ni sur le plan spatial ni sur le plan temporel. L’objet du livre n’est pas de débiter le scénario catastrophe le plus vraisemblable avec son lot de perdants et de gagnants, d’oppresseurs et d’opprimés. Malgré quelques tics de langage inhérents au genre (action, anticipation), Warax embarque le lecteur avec ses destinées romanesques qui s’abîment à l’unisson dans un pathétique affaissement. Asphyxiée, enterrée, noyée, calcinée, l’humanité, dans un ultime sursaut, s’achève – la tête coupée depuis longtemps.

 

Jean-Baptiste Scieux

 

Collectif. La Revue Littéraire N°41 - Editions Léo Scheer