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Sniper

UNE BEAUTÉ EFFRAYANTE

 Il est des livres qu'on n'aborde pas sans appréhension. La peur au ventre d'être dépassé par la violence de leur propos. Ici, la guerre, pas plus propre que chirurgicale, comme on tente de nous le faire avaler parfois. Pavel Hak, né en Tchécoslovaquie en 1962 et exilé en France, avait publié en 2001 un premier livre, Safari, retraçant l'expédition de deux jeunes touristes et d'un chasseur dans une Afrique en proie à des exactions de toutes sortes. Déjà pas mal dans la famille "brutalité". Dans Sniper, le ton et le décor rappellent les drames dont nous abreuvent les médias. Récit parabolique et précis à la fois, Sniper mélange des atmosphères de guerre civile et de dictature en un florilège morbide de tout ce que le XXe siècle a connu d'horreurs. Quatre trajectoires s'entrecroisent tout au long du livre. Une bande de fuyards sans doute expulsés de leurs maisons tentent d'échapper à leurs poursuivants. Un groupe de tortionnaires se livre aux pires crimes. Un paysan hagard recherche les corps des membres de sa famille. Et enfin un sniper, en ajustant sa lunette, nous livre ses réflexions sur le pouvoir de tuer. À la lecture, curieuse impression ... Celle de lire un livre presque silencieux, tellement la monstruosité est portée à son paroxysme, un livre qui porte en son sein le "Viva la muerte" des fascistes de tout poil. D'une intensité rare et à déconseiller aux âmes sensibles, Sniper s'impose comme un texte d'une effrayante beauté unique en son genre.

 V.B.