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Vomito Negro

   Marchés criminels

   Pavel Hak, auteur né dans le sud de la Bohème en 1962, a toujours adopté la langue française pour écrire ses romans : déjà cinq publiés dont Safari et Trans. Des romans au lance-pierres, où l’écriture, rapide, saccadée, ressemble à une rafale meurtrière. Avec Vomito negro – fièvre jaune, ou peste américaine –, il raconte plusieurs histoires qui s’entrecroisent, et tout spécialement celle du père du héros, qui, souvent ivre, raconte d’une manière admirable son passé de Noir transporté en Amérique dans des conditions épouvantables. C’est décrit avec une vivacité extrême. Ce sont « ses histoires insensées » de l’esclavage.
   Aujourd’hui, le fils, « quelque part sous les tropiques des Caraïbes », essaie de survivre au sein d’une société où la violence est la seule loi. En essayant d’aider des clandestins, il est pris au piège : au lieu du rendez-vous, il ne trouve que des « noyés ». Lui aussi, comme son père, est pourchassé… tandis que sa sœur, la très belle Marie-Jo, est enlevée. Il arrive à cette dernière une aventure des plus rudes : aux prises avec un médecin trafiquant d’organes, elle parvient à lui échapper… en prenant l’identité de la jeune milliardaire qui attend, dans la clinique du praticien, d’être refaite à neuf. L’imagination de Pavel Hak et sa force de narration donnent un récit hallucinant, où des molosses dévoreurs et des scalpels sauveurs amènent le sang. Marie-Jo va-t-elle réussir sa fuite ?
   Son frère, toujours poursuivi, va-t-il arriver à la retrouver ? Ces multiples rebondissements, ces luttes contre « la marchandisation des corps », contre les machines de destruction, contre les réseaux de prostitution et de trafic de clandestins donnent à ce récit un rythme haletant. On n’a pas une seconde pour souffler. À chaque page, l’auteur nous amène au bord de l’horreur… pour terminer avec un chapitre intitulé : « Escadron de la mort », qui voit le frère se transformer en justicier avec un lance-flammes ravageur.
   Ce roman de Pavel Hak est, pour copier Kafka, « la hache qui brise la mer gelée en nous ». Une réussite terrible…

par André Rollin