Article de presse
Lutte à mort

CAUCHEMAR MORTEL

 Dans l'épaisseur de la forêt, une jeune fille cherche à fuir son pays livré à la guerre. Ce texte s'inscrit dès la première ligne, dans une violence qu'il ne quittera plus. Après avoir sacrifié, en échange de sa survie, son honneur et ses maigres économies aux appétits barbares des soldats, elle réussit à rejoindre le monde "civilisé". Mais elle, qui ne possède ni papiers ni biens et ne remplit aucun rôle dans le fonctionnement du système, à quoi peut-elle prétendre, sinon à devenir la proie d'une autre forme de barbarie? Livrée aux ordres de son proxénète et aux caprices de sa clientèle, elle n'est plus qu'un objet privé de droits dont la présence dans la société n'est tolérée que parce qu'elle sert de défouloir aux fantasmes de ses habitants. Hormis la jeune fille, tous les personnages de cette fable moderne semblent interchangeables : chacun est un rouage du système et chaque rouage se transforme en bourreau dès qu'apparaît un élément étranger au mécanisme. La jeune fille devient l'un de ces éléments à partir de l’instant où elle se révolte contre sa condition de marchandise, et puisque tous les rapports humains sont ici régis par la seule loi marchande, elle est éliminée. Le rythme propre au théâtre et l'écriture très ciselée de Pavel Hak donnent à la cruauté, dont ce texte époustouflant est pénétré, un relief qui file carrément te vertige. Le lecteur qui s'y aventure doit se préparer à entrer dans un long cauchemar dont l'horreur ne cessera de croître jusqu'à ce qu'il ait tourné la dernière page.

 P. DE S.