Article de presse
Trans

« TRANS », ENTRE LA VIE ET LA MORT

 Pavel Hak signe une fable sombre sur le monde moderne et ses dérives.

 On ne sait pas où se trouve Wu Tse au début de Trans, le nouveau roman de Pavel Hak. On sait juste qu'il ne veut pas y rester. D'entrée de jeu, l'écriture incisive de l'auteur tchèque nous fait comprendre pourquoi. Dans cette dictature, apparemment située sur le continent asiatique, Wu Tse doit pour survivre se nourrir des cadavres des autres. Toutes les occasions sont bonnes pour voler une main ou un doigt. Pour éviter de mourir et d'être mangé à son tour.
La morgue dans laquelle il vit explique les risques insensés que le jeune homme prend pour en sortir. Ce à quoi il parvient avec l'aide et la ruse de la belle Kwan, dont il tombe follement amoureux bien que leurs ébats initiaux ressemblent davantage à un viol qu'à une romantique première nuit.

Le parcours du combattant de Wu Tse ne s'arrête pas, la frontière franchie. Il lui faut encore traverser un océan clandestinement, à bord d'un bateau qui s'échoue sur une côte africaine. Là, il aura à faire face à des cannibales, un docteur fou et ses malades. Il arrivera finalement sain et sauf en Occident, « terre d'accueil ». Et devra à nouveau s'enfuir, d'un centre de détention, ses documents n'étant pas en règle. Hors de danger, il pourra alors guetter Kwan dans les docks du port.
Les péripéties de Wu Tse sont racontées de façon sanguinolente, un peu gore. De courtes phrases nous permettent de connaître les sentiments du rescapé, et accentuent l'impression de brutalité qui ne quitte pas le roman. On se sent, tout au long de la lecture, dans une situation de stress terrible. Le sexe et le sang y sont quasi omniprésents, et il est impossible pour le lecteur de souffler entre les lignes.
Trans est une fable du monde moderne et de ses dérives. Tout y est question de vie ou de mort. Bonne idée de situer l'action dans des lieux indéterminés, preuve que les extrémismes peuvent triompher n'importe où, mais on regrette le côté superficiel des transitions : on passe d'une aventure à l'autre de façon surfaite ou attendue.
Le style de l'écrivain, teinté de métaphores animales et récompensé en France par le Prix Wepler-Fondation La Poste, et l'actualité du sujet (les difficultés de l'immigration clandestine), font qu'on reste accrochés malgré tout à ce roman très sombre.

 ADRIENNE NIZET