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Warax

Les cavaliers de l'apocalypse

 Avec Warax, Pavel Hak signe une fable nihiliste qui évoque l'implacable dureté d'un monde qui pourrait un jour être le nôtre.

Warax rassemble les destins parallèles de quatre groupes ou individus, quatre cavaliers évoluant dans un futur proche qui annonce l'apocalypse. Il y a d'abord l'histoire de Ted Warax, le belliqueux (son nom pourrait se traduire par hache de guerre), magnat des armes à la vision bushienne du monde, dont le plus vif souhait est de faire plonger l'Empire, sorte d'Amérique sur-dopée au cash et à la violence, dans un conflit mondial censé le sauver de l'atrophie. Et, du même coup, consolider sa fortune personnelle. Il y a aussi Preston, Rastignac de science-fiction, qui use de ses charmes de bellâtre auprès des femmes de la haute pour leur soutirer les secrets de leurs puissants maris. Il y a la meute, ces clandestins qui fuient leurs terres d'origine, échappant aux traques policières pour enfin tenter de se tailler une place dans la jungle de la mégalopole. Il y a cet anonyme, immatriculé FD 21, qui erre dans un monde ravagé par on ne sait quel cataclysme. Il y a enfin cette unité des forces spéciales en mission en territoire hostile, à la recherche d'armes de destruction massive. Quatre trames qui se déroulent dans un univers déboussolé, violent, injuste.
Pavel Hak continue sur la voie qu'il avait tracée il y a trois ans avec Trans, qui suivait la longue et difficile pérégrination vers l'ouest d'un migrant chinois, abordant ici les questions du droit des laissés-pour-compte, et imaginant l'emballement de l'hyper-capitalisme à l'américaine dont le seul moteur est l'avarice et dont la conséquence pourrait bien être la mort de la société civile.
Warax pourrait être un livre de science-fiction, une fable à la Enki Bilal, mais il y manque, et c'est la volonté de l'auteur, le souffle épique. Pavel Hak ne cherche pas à nous divertir mais plutôt à nous avertir. Ainsi, dans ce roman, il n'y a pas de héros, pas de victoire du bien sur le mal et pas de possibilité de rédemption pour les méchants. Ici, tous les horizons sont bouchés. Warax n'est pas La Route de Cormac McCarthy. Pas d'espoir à l'horizon, ni d'âme charitable pour sauver la mise. Dans ce livre, tout le monde perd, sauf peut-être les plus forts, les loups, les rapaces. Warax est un livre en forme de poing américain, froid et dur, qui laisse comme un arrière-goût de terre brûlée.

 Christophe Bergeron

 À lire si vous aimez : La Route de Cormac McCarthy, La Servante écarlate de Margaret Atwood, La Possibilité d'une île de Michel Houellebecq