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Vomito Negro

Que donne la traite humaine perpétuée ad nauseam ? Vomito negro, ou l’épopée tragico-gore des deux héros du dernier roman de Pavel Hak.

C’est une île qui ne donne pas son nom, mais qui nomme bien ses maux : trafics de drogue, prostitution, clandestinité, misère agricole et rhums arrangés. Des business de survie qui transpirent à peine sous la couleur des plages et la taille des villas, tant tout y est fait pour contenter les riches et exploiter les pauvres. Cette justice sociale, Marie-Jo et son frère, descendants d’esclaves, ne la connaissent que trop bien. Aussi, lorsque la jeune fille est kidnappée pour être offerte en jeune vierge à un milliardaire-en-yacht, ils n’hésiteront pas à saisir les moyens de survie dictés par l’urgence : elle pour fuir ses bourreaux, lui pour la retrouver. Leur fuite désespérée les traînera de cliniques privées en squats pourris, toujours plus proches d’une mort atroce, mais ricochant chaque fois in extremis dans les angles acérés du style « Hak » : phrases nominales, slams sadiques et rafales verbales. En marge de ces deux cavales, la mélopée amère du père, à qui l’alcool et le deuil n’ont laissé qu’un seul récit : celui de sa traversée de l’océan à fond de cale pour être vendu, sur l’île, comme esclave – Vomito Negro, ou comment la pauvreté engendre interminablement la misère, et la violence le crime.

 

Lecteurs sensibles, méfiez-vous. Depuis son premier roman Safari (2001), Pavel Hak enchaîne les livres brefs et féroces, qui questionnent la barbarie moderne par la voie la plus directe : la description détaillée. Si le fond se perd un peu sous les tirs des fusils d’assaut et dans les flaques de sang des victimes anonymes, Vomito Negro reste néanmoins une expérience de fiction littéraire radicale : rapide comme un jeu vidéo, crue comme un journal télévisé, elle aurait presque, hélas, les aspects du réel.

par Salomé Kiner