Entretien avec Pavel Hak par Christophe Dabitch

STRATÉGIE DU TROUBLE

Après l'Afrique, Safari, et un pays de l'Est en guerre, Sniper, il vient cette fois sur nos terres avec le personnage d'une migrante. Elle traverse une frontière qui est aussi celle de l'abject. Comme dans ses précédents récits, Pavel Hak écrit au plus près de la violence et de sa pulsation.

Ce que l'on pourrait nommer le corps du texte.

Pavel Hak aimerait ne pouvoir livrer de lui que trois éléments : une date de naissance, un pays d'enfance et des études parisiennes de philosophie. Les deux premiers pour l'inscription dans une époque et un contexte; le troisième parce qu'on lui a ici « permis de faire ça, c'est vrai » et que la philosophie fut pour lui un apprentissage de la liberté, une « manière de survivre dans une ère d'ignorance ». Alors que l'étalage du Moi est devenu passage obligé, que la petite histoire intime est érigée en valeur - mais parlez nous donc de vous! Ça nous intéresse tant... -, voilà donc un homme qui a des scrupules, qui refuse gentiment et s'en explique. Sa biographie n'est pas la caution de ses écrits. En d'autres termes: il n'est pas sûr qu'il fut réellement sniper.

Pavel Hak a vécu dans un pays communiste d'avant la chute du mur, « une dictature dans sa version molle mais dans laquelle, dès que l'on prend conscience, on se confronte directement au pouvoir ». Un pays fui clandestinement pour l'Italie puis pour la France. Pavel Hak écrit depuis longtemps mais il a un jour décidé d'écrire en français et il a brûlé comme des peaux mortes ses manuscrits de jeunesse en tchèque. « Une forme de suicide » dit-il, « maintenant, en français, la phrase vient sans que j'y réfléchisse, je peux m'intéresser au rythme et à la torsion ». Il voudrait un jour écrire le « cercle familial » mais dans l'esprit de Philip Roth ou Don DeLillo, comme l'histoire intime d'un pays ou d'une civilisation.

Pavel Hak est l'auteur de deux récits - Safari et Sniper - et d'une pièce de théâtre aujourd'hui publiée, toujours chez Tristram, Lutte à mort. Ces trois livres sont des plongées dans une violence froide et pulsionnelle qui nous entraîne par vagues dans une fascination pornographique. Sans constructions psychologiques ni soucis de réalisme, ces textes nous font basculer dans la pulsation du crime, au plus près du corps et de l'emprise sexuelle. Dans Safari, un homme d'affaires occidental débarque en Afrique. Il est habité par la possession et le meurtre, il veut chasser le rhinocéros - force pure et puissance sexuelle - et le voyage n'est que la violente mise à découvert de ce que recèle ce désir. Dans Sniper, trois récits se croisent dans la guerre. Le sniper prophétique et destructeur; le groupe de réfugiés qui traversent toutes les violences; le messager qui vient chercher les siens, retrouver leurs corps dans la boue gelée, pour les ensevelir. Parmi les hurlements des soldats et les asservissements avant tout sexuels. Là encore, le récit révèle l'expérience concrète de ces guerres lointaines qui habitent notre quotidien, l'horreur que nous avalons sans cesse l'air de rien. Dans Lutte à mort, une jeune fille fuit son pays en guerre, elle doit traverser la frontière - la haie de soldats - et se retrouve dans nos contrées, face à d'autres pouvoirs qui veulent là aussi physiquement la soumettre et peut-être tuer en elle le désir supérieur de vie et de connaissance. Pavel Hak évoque dans cette pièce le pouvoir sur lequel reposent nos existences, la vision concrète de ce pouvoir que nous oublions ou que nous acceptons en nous. Le texte est là, nous sommes là avec le texte, dans la pulsion et l'ordure que le côtoiement, peut-être, nous permettrait un jour de maîtriser. Et, s'il n'y avait pas d'enseignements à tirer - plutôt intimes que chapitres d'une leçon de morale -, il s'agirait simplement de nous regarder. 

Le personnage principal de Lutte à mort, une jeune fille, quitte une situation de guerre. Pour aller vers où et vers quoi?

À l'origine du livre, il y a un corps concret, dans un pays en guerre, qui se lance vers une frontière. De l'autre côté, il y a un engrenage, un rapport de force extrêmement violent. Le principal se passe de l'autre côté. Ce qui m'intéressait, c'était ce mouvement vers la frontière, cet élan, ce désir aussi parce qu'il y a le désir de vivre tout d'abord. Et puis il y a une réponse, de l'autre côté. Je crois que sur la quantité de gens qui arrivent, ce qu'on réprime, ce qu'on veut réprimer, c'est ce désir de vivre, de franchir la frontière et de se retrouver de l'autre côté. Ce désir, c'est comme la recherche, la connaissance, c'est comme Ulysse. 

Mais ce que fait votre personnage, ce n'est pas un voyage...

Non, c'est quelque chose de très sérieux, c'est une prise de risque. C'est se lancer, se jeter sans connaître ce qu'il y aura après. On ne s'imagine pas la violence des rapports qu'on rencontrera. Partir, c'est le désir le plus spontané. Bien sûr, il y a la misère ou la guerre, ça pousse à partir mais ce désir-là est absolument fondamental pour l'humanité. Sans cela, il n'y aurait rien, on n'écrirait pas, on ne s'interrogerait pas parce que la frontière fonctionne aussi comme un fantasme. Le réel, c'est une barrière, ou une flaque d'eau ou l'océan. Le personnage dans la pièce en fait l'expérience concrètement.

Elle se retrouve confrontée à quoi?

Au rapport de force qui se traduit, parce qu'on est de l'autre côté, par les institutions, le grand appareil d'État comme on dit, la police, la loi, la législation. Elle se confronte au fond parfaitement à la société où nous vivons, dans ses fonctionnements, ses engrenages et ses institutions.

Par rapport à Safari ou Sniper, qui se déroulaient pour l'un en Afrique et pour l'autre dans un no man's land en guerre, cette fois vous êtes à l'intérieur de nos frontières.

C'est intéressant de voir cet appareil-là, ce dispositif de pouvoir. L'enjeu, c'est l'étranger qui arrive, l'intrus. C'est sur lui qu'on voit le mieux les fonctionnements de tel ou tel dispositif de pouvoir. Puisque c'est souvent quelqu'un de très faible, sans moyens, sans armes, sans relations... Dans la pièce, la fille fonctionne comme un révélateur.

Pour les gens qui vivent à l'intérieur de ces frontières, nous et peut-être vous maintenant, c'est un dispositif de pouvoir que l'on oublie, qu'on ne connaît pas concrètement, sur lequel reposent en partie nos existences.

Il nous protège. C'est pour cela que l'étranger joue ce rôle-là. Avec la démagogie, on peut faire croire que la répression est nécessaire, que les étrangers représentent un danger réel… En plus, c'est vrai que c'est compliqué parce que si on renverse les choses, l'étranger qui arrive, c'est les Blancs qui arrivent en Amérique. Si les Indiens les avaient tous tués, ils se seraient sauvés. Des anthropologues blancs qui arrivent dans une tribu, ce n'est pas sans danger, le mieux c'est de les tuer et de les manger, s'ils ne sont pas trop aigres (rires). C'est très compliqué, ce système nous protège et l'étranger met en jeu toutes ces questions.

De la même manière que dans vos deux précédents récits, votre personnage subit d'abord dans son corps une forme d'oppression, c'est le corps qui est d'abord visé.

Globalement, c'est ce qui est mis en cause aujourd'hui par la modernité, entendue comme l'époque où nous vivons. La mise en cause la plus radicale est celle du corps. On le voit dans la guerre. Il y a d'un côté des moyens techniques extraordinaires, des tonnes de bombes déversées et de l'autre il n'y a même pas de cadavres. Le corps devient quelque chose de très étrange qui disparaît souvent presque entièrement. Il ne reste que la machine et la technique. Dans Lutte à mort, le corps est vraiment l'enjeu, c'est sur le corps que la violence déferle. Le pouvoir et l'administration broient les corps tout d'abord.

Est-ce parce que du point de vue du pouvoir, quand un étranger arrive, c'est d'abord un corps de plus?

C'est ce qu'on perçoit parce que souvent ces gens sont sans papiers, sans identité, sans nom ou le nom est si compliqué qu'on n'arrive pas à le prononcer.

Dans votre écriture théâtrale, il n'y a pas de psychologie, les personnages sont d'abord emblématiques.

Ils sont définis par leur fonction. C'est une histoire, une suite de situations. L'histoire individuelle disparaît presque entièrement car dans le rapport de force, le pouvoir essaie d'effacer entièrement l'existence individuelle et concrète. La répression mène à cela : ranger, effacer les individualités.

Pourquoi ce titre Lutte à mort?

Chacun essaie de poursuivre ses objectifs, de détourner l'autre, d'en profiter ou le tromper. Comme chez Koltès où emblématiquement, il n'y a que le deal, ici, il y a cette lutte justement. Chacun lutte pour soi et la lutte est dure puisque les rapports sont très durs.

Est-ce que les mots du personnage féminin sont comme une longue plainte?

C'est plutôt une révolte. C'est quelqu'un qui veut vivre, elle a cette qualité que souvent ont ces gens-là (rires), alors que ce n'est pas toujours le cas de l'autre côté de la frontière. Pour elle « Tu n'as pas le droit », ça n'existe pas.

Pourquoi avoir choisi le théâtre?

C'est un travail sur la dramaturgie de la réalité, une suite de tableaux sans qu'on s'occupe de certains développements comme dans le roman. À la base, il y a un puissant mouvement d'écriture, et puis on cherche telle ou telle forme, celle qui paraît mieux convenir. Mais le théâtre m'intéresse beaucoup. Cette confrontation de corps réels, avec également celui du spectateur, me semble intéressante, surtout aujourd'hui où la confrontation type est entre un corps et un écran. Ouand un acteur est là, en chair et en os, devant vous, c'est absolument unique. C'est le geste. Chez les Grecs, il y a quelque chose de très simple, quelques traces par terre, un cercle ou un demi-cercle, et c'est un drame : « Et voici que sous vos yeux va se dérouler la tragédie... » C'est puissant, ça marche encore aujourd'hui et il faut se battre pour ça parce que tout converge à son effacement.

Est-ce que la présence des corps sur scène influe sur votre écriture? On pense à la violence physique et à la violence sexuelle. Même si dans cette pièce vous allez loin, êtes-vous moins sur des formes de fantasmes?

Dans le roman, on touche différemment l'imaginaire. Si vous essayez de troubler, de faire sauter des barrages, des normes, des stéréotypes, il faut que cela mette mal à l'aise et, dans le roman, on peut pousser beaucoup plus loin cela, c'est un registre fantasmatique. C'est vrai que je joue là-dessus pour rendre la réalité parce qu'elle est extrêmement dure ou intolérable et si on n'arrive pas avec la littérature à parler de l'intolérable, on est en échec complet. Au théâtre, on doit le faire différemment. Mais Pierre Guyotat aussi devait aller très loin dans ses mises en scène. Le corps chez lui est aussi un enjeu, surtout dans le domaine, disons, de la sexualité ou du fantasme. Mais il n'y a pas du fantasme dans Lutte à mort et même dans Sniper comme dans Safari. Il y a une tension entre la fiction et la réalité. Ça s'enracine dans cette tension-là, sadique, pour rendre compte de ce que nous vivons, de ce qui se passe.

Il s'agit d'être réaliste?

Je ne suis pas du tout réaliste, je suis pleinement dans la fiction. L'enjeu dans la fiction, c'est son rapport à la réalité.

En lisant vos livres, on se demande forcément quels sont les liens avec votre propre histoire. Vous venez de Tchécoslovaquie, vous avez obtenu l'asile politique, vous avez été exilé.

Changer de pays et de langue, affronter des réalités qu'on ne connaît pas me semblent en fait être ce que je cherchais. Mais je ne me considère pas comme en exil. J'ai eu l'asile politique, c'est vrai, mais il y a aussi que je voulais vivre comme cela, vivre cette sorte d'étrangeté qui me semble en fait très profonde, humaine, et qui concerne paradoxalement n'importe qui. Mais c'est comme si pour vraiment l'affronter, il fallait cela. Dans certaines situations, en étant étranger, considéré comme un intrus, vous vivez les choses d'une certaine manière.

Mais quel est le lien, disons, biographique?

Pour écrire, il faut de l'expérience, c'est vrai. Mais la vraie énigme est comment vivre puisque pour pouvoir parler de certaines choses, il faut avoir de l'expérience et en tout cas en maîtriser ses sujets le plus profondément. Cela implique les corps, l'émotivité, la sensibilité. Un écrivain est quelqu'un qui a vécu très profondément certaines choses qu'il essaie de reprendre. La littérature est comme une reprise très simple de la vie, de l'expérience. Mais je pense que la biographie et tout cela c'est... ça me semble pas intéressant d'en parler. C'est la tendance de l'époque au témoignage censé donner de la légitimité à l'écrit. Je pense qu'il faut la rejeter et se tourner vers les textes, leur qualité, ce dont ils ont la capacité de parler. Il faut faire sauter cette manière de se tourner vers les idiosyncrasies, les petits egos, en fait tout ce qui ne s'intéresse qu'à la personne et pas à la littérature, toute cette agitation autour du privé.

Dans Sniper, dans son monologue, le sniper dit: « Étant la violence à l'état pur, je suis l'époque ».

Dans Lutte à mort, c'est pareil. La violence qu'on exerce, elle est extrême. C'est la machinerie guerrière et les capitaux. Et les corps là-dedans qu'on ne voit plus du tout. Le sniper symbolise parfaitement les enjeux de l'humanité actuelle. Cette technologie extraordinaire, où est-ce qu'on l'oriente, est-ce qu'on s'acharne à raser tous les pays qu'on considère... ? Est-ce que la politique c'est frapper, frapper et frapper? Et cette violence s'exerce sans aucune conséquence pour celui qui est à l'origine de cette violence. En cela on débloque quelque chose d'essentiel, le problème de la culpabilité, l'émotivité… quand ça devient purement technique… on débloque quelque chose d'important.

Que peut la littérature?

La littérature, c'est l'étrangeté tout d'abord mais c'est aussi une réflexion. Si on lit Shakespeare, Dante, Kafka, Faulkner, on s'interroge sur la réalité, la violence d'une époque concrète. La littérature sert à cela d'une manière, comment dire ?, primordiale et naturelle, c'est le mouvement même de la littérature de parler et de brasser tout cela, tous ces dangers qu'on vit profondément dans son propre corps.

Il y a une notion de combat quand vous écrivez?

Absolument. C'est dans cette capacité de démontrer, de rendre ces mécanismes qui sont à l'œuvre. La dimension politique d'engagement, d'affrontement, elle est là. Si on prend la guerre, il faut montrer vraiment ses côtés terribles dans ses mécanismes réels, à l'œuvre concrètement, où des gens meurent concrètement, des corps sont déchiquetés concrètement Dans Lutte à mort, c'est pareil, c'est le destin d'une jeune fille qui traverse des frontières en voulant s'échapper. Après, c'est un engrenage inévitable, comme la Justine de Sade d'une certaine manière, et on ne peut plus revenir en arrière.

Dans vos choix d'écriture, est-ce que vous cherchez à jouer avec une forme de corruption du lecteur, avec ces scènes sadiques, ces viols?

Corruption, trouble, angoisse, oui, entièrement, mais comme démarche littéraire, cela évoque mon entreprise (rires). Chez le lecteur, il faut faire sauter toute une série de barrages, de défenses. On ne peut pas parler de guerre sans que celui qui lit ressente un trouble parce que c'est profondément troublant, et comme c'est souvent lié à la sexualité et au corps, c'est une chaîne qui fonctionne parfaitement. Il n'y a pas de torture sans excitation sexuelle, c'est absolument pervers. Donc je crois qu'il faut être dans des démarches complexes. Après on peut vous taxer de complaisance. Mais ça n'a rien à voir avec ma démarche. Le trouble, il faut le provoquer. Si on corrompt la bonne conscience par exemple, c'est très intéressant (rires). Ici, au fond, on ne vit qu'entouré de ça : on est tous parfaitement en règle, bons bien sûr, justes, se battant pour les causes justes, jamais mauvais ni méchants. Pour moi, un livre sur la guerre, c'est forcément insupportable. Il faut le rendre, l'intolérable, au sens le plus sérieux.

C'est donc forcément jouer avec la part elle aussi malsaine du lecteur?

Je pense à Heiner Müller quand il dit « la description de la torture est plus difficile à apprendre que la torture ». La liste de ceux qui ont torturé dans le monde est beaucoup plus longue que la liste des écrivains qui ont vraiment essayé de décrire la torture. S'il y a des scènes de sadisme, de torture ou de violence, il faut que cela tienne littérairement pour déclencher toute une série d'émotions et même de désirs que l'on doit réprimer. Mais pour réprimer, il faut être très conscient. Moi comme n'importe qui, j'ai ce potentiel de tortionnaire ou de violeur, il faut que je sois parfaitement conscient de cela. La littérature sert à cela mais bien sûr on n'est pas dans une sorte de catéchisme, on est dans une démarche complexe, en tout cas théoriquement, je ne parle pas forcément de ce que j'arrive ou pas à faire. Je pense à Faulkner par exemple, cela paraît très complexe mais pendant une époque, c'était la seule chose qui me semblait décrire ce que je vivais. C'est en lisant des choses comme ça que l'on se construit. Sa propre nature n'est pas constituée que de bons sentiments.

Dans Sniper, un personnage, le Messager, vient déterrer les cadavres familiaux dans un sol gelé pour leur donner ensuite une sépulture.

On est dans le cas d'un individu concret qui a compris ce qu'il était essentiel de faire, contre la violence, contre l'effacement de la violence. Ça peut être ça, le travail littéraire.

Sur ce thème du corps et de la violence, sur notre lien avec ça, on se demande si vous pouvez aller plus loin que cela, ou en sortir?

C'est mon travail, je ne sais pas. Sniper, c'est assez difficile à faire, à tenir. Après on a envie de faire autre chose. En fait, après, c'est épuisé, c'est dit, en tout cas j'espère. On ne peut qu'espérer que tout ait été dit. Comme chez Sade, dans Les 120 journées de Sodome, à chaque fois, il y a une perversion et ça se termine toujours par cette fantastique phrase : « Et tout a été dit ». Là, c'est réglé, c'est bon (rires), c'est vrai. Le non-résolu, c'est le pire. Ouand on attaque un sujet, il faut vraiment que ce soit dit d'une manière implacable, frappante, adéquate. Et que tout ait été dit (sourire).

Propos recueillis par Christophe Dabitch

 

Extrait : Lutte à mort

FILLE : (…) Voilà la seule chose qu'ils savent dire, et si tu t'insurges si tu oses te plaindre, on te tabasse on t'humilie. Briser nos corps ça les obsède, nos corps les hantent – parce qu'ils ne supportent pas les corps gui sentent la vie.

URVEILLANTE : D'où viens-tu pour être si fière? D'où vient ton effronterie? Penses-tu que le monde entier doit tourner autour de tes histoires? Tu es là, les pieds et les mains liés, parce que tu as été interceptée sur notre territoire où tu as pénétré sans aucun document valable. Alors chiale pas, ne nous accuse pas ni de cruauté ni d'inhumanité, ton état a aussi ses avamages : tu ne meurs pas de faim, tu ne souffres pas du froid, personne ne peut t'ordonner de t'en aller - parce qu'il faut que la procédure ait lieu. Seulement ensuite - après le verdict de l'impartiale justice - tu pourras être reconduite à la frontière si la justice le décide. Et la durée de procédure? Manger par terre le seau à vider pas chialer si tu veux pas être battue : la procédure aura lieu alors tais-toi.

 

PAVEL HAK

1962 Naissance quelque part au sud de la Bohême, en Tchécoslovaquie.

1986 Arrivée à Paris « à l'époque des attentats » ; études de philosophie et petits boulots.

2001 Safari (Tristram). « C'est un livre encore un peu exotique. »

2002 Sniper (Tristram). « On me demandait si j'avais fait la guerre. C'est absurde, la littérature, c'est autre chose. »